Créer de la valeur ou optimiser sa fiscalité : un dilemme stratégique pour les scale-ups

Date. 21 janvier 2025
Catégorie. Legal Strategy2

Pour une scale-up en pleine expansion, la fiscalité ne se résume pas à quelques lignes dans un compte de résultat. Elle touche à la stratégie globale, à la réputation, à l’attractivité pour les investisseurs et, parfois, à la cohésion interne. Deux visions s’opposent souvent : d’un côté, l’optimisation fiscale qui cherche la rentabilité immédiate ; de l’autre, la création de valeur à long terme qui peut sacrifier certains avantages fiscaux. Entre ces deux pôles, une voie médiane permet de concilier innovation, compétitivité et gouvernance saine.

L’optimisation “maximale” : quels gains, quels risques ?

Des bénéfices financiers immédiats

Trésorerie accrue : En réduisant la charge fiscale, la scale-up conserve plus de liquidités pour développer son produit, recruter ou financer sa R&D.

Appétence à court terme : Pour certains actionnaires, voir la rentabilité grimper rapidement peut justifier des montages sophistiqués et encourager de nouveaux investissements.

Les limites d’une approche trop agressive

Risque de redressement : Une optimisation jugée “forcée” peut conduire l’administration fiscale à diligenter un contrôle. Les redressements éventuels, les pénalités et les intérêts de retard peuvent peser lourdement sur la trésorerie.

Complexification de la gouvernance : Multiplier les entités à l’étranger, les conventions intra-groupe et les accords de licence peut engendrer une bureaucratie pesante et ralentir la prise de décision.

Réputation écornée : Les investisseurs et le grand public sont de plus en plus attentifs à l’éthique financière. Une médiatisation négative d’un montage fiscal controversé peut ternir l’image de la société.

La focalisation “value first” : l’ADN de l’entreprise avant tout
Miser sur l’innovation et la réputation

Renforcement des actifs immatériels : Au lieu de chercher à minorer l’imposition, certaines scale-ups préfèrent investir massivement dans la recherche, la création d’écosystèmes technologiques et le développement de produits différenciants.
Marque employeur attractive : Les collaborateurs, notamment dans la tech, apprécient des entreprises à la réputation “clean” et à la vision claire, voyant l’impôt comme une contribution plutôt qu’un simple coût à minimiser.

Limites de la stratégie “value first”

Moins de liquidités à court terme : En négligeant certains régimes fiscaux avantageux, la société peut se priver de ressources de développement.

Attentes des actionnaires : Tous les investisseurs ne partagent pas la même philosophie. Une rentabilité plus faible à court terme peut générer des tensions si ces choix n’ont pas été explicités en amont.

Cas d’école :

Une medtech, a choisi de conserver sa R&D dans son pays d’origine pour bénéficier d’aides nationales et soutenir l’écosystème local, plutôt que de basculer son innovation à l’étranger.

Résultat : Une image solide auprès des partenaires institutionnels, une valorisation en hausse lors d’une levée de fonds, car la société a pu démontrer la robustesse de ses équipes de R&D et la profondeur de son pipeline de produits.
Retour d’investisseurs ESG : Plus enclins à soutenir l’entreprise, car ils apprécient l’engagement local et la pérennité du modèle.

Existe-t-il une troisième voie harmonieuse ?
Entre l’optimisation totale et la quête exclusive de la valeur, de nombreuses scale-ups optent pour un juste équilibre, en cherchant à :

Mener une optimisation raisonnée

Tirer parti des régimes d’incitation (IP Box, crédits d’impôt recherche, etc.) tout en conservant une “substance” réelle : des équipes, des locaux et une activité effective sur place.

Éviter la sur-complexité juridique : privilégier une ou deux entités clés plutôt qu’une multiplication de filiales ou de holdings difficiles à piloter.

Conserver l’agilité de la gouvernance

Clauses de pacte d’actionnaires adaptatives : prévoir les évolutions en termes de fiscalité et de structuration pour anticiper les futurs tours de table ou la venue de nouveaux investisseurs.
Administrateurs indépendants : apporter un éclairage neutre et rappeler l’importance d’un juste milieu entre performance financière et préservation de l’image de la société.

Vérifier la compatibilité avec la stratégie internationale

Les scale-ups visant rapidement l’international peuvent bénéficier :

D’accords bilatéraux contre la double imposition, permettant d’éviter une fiscalité punitive lorsqu’on opère dans plusieurs pays.
D’une holding “hub” : situer le siège dans un pays stable fiscalement, bénéficiant de conventions fiscales avantageuses, sans recourir à un “paradis fiscal”.
D’un accompagnement local : un conseil sur place pour mesurer l’impact fiscal (TVA, taxes sur les bénéfices, etc.) et éviter les redressements transfrontaliers.

Ajouter la dimension “culture d’entreprise”

Transparence et engagement des collaborateurs
Communication interne : Expliquer pourquoi la société met en place certains crédits d’impôt ou garde ses centres de R&D dans le pays d’origine. Cela renforce la confiance et la cohésion.
Alignement de valeurs : Si l’entreprise promeut la responsabilité et l’impact sociétal, sa stratégie fiscale doit être cohérente avec ces principes.

Impact sur la marque employeur

Valoriser la responsabilité sociale : Surtout dans les secteurs GreenTech, HealthTech, EdTech ou Impact, le caractère “responsable” de la gestion fiscale devient un argument de recrutement.

Attirer des profils internationaux : Une structure simple, claire et en règle facilite la mobilité des talents (BSPCE, stock-options), sans risque d’incompréhension ou de litige.

Les questions à se poser pour un arbitrage éclairé
Pour évaluer la solidité et la pertinence de votre stratégie fiscale, posez-vous les questions suivantes :

  • Quelle est la “substance économique” de nos montages ?
  • Avons-nous des équipes et une réelle activité dans les pays où nous délocalisons nos actifs ou nos bénéfices ?
  • Comment justifions-nous ce choix auprès de nos parties prenantes ?
  • Sommes-nous capables d’expliquer cette stratégie auprès des investisseurs, des collaborateurs, et éventuellement du grand public ?
  • Sommes-nous préparés à un contrôle fiscal, local ou international ?
  • Quels documents, process et preuves de “substance” pouvons-nous fournir rapidement ?
  • Quel est l’impact de notre stratégie fiscale sur la gouvernance ?
  • Le conseil d’administration et les administrateurs indépendants sont-ils suffisamment informés des implications ?
  • Sommes-nous en phase avec nos valeurs affichées et notre marque employeur ?
  • Un éventuel décalage risque-t-il d’entraîner une démobilisation ou un malaise en interne ?
  • Le rapport coût/bénéfice est-il favorable à long terme ?
  • Les gains immédiats d’une optimisation justifient-ils les investissements en complexité administrative et juridique ?
  • Comment réagirions-nous face à un changement de réglementation ?
  • Sommes-nous suffisamment agiles pour adapter notre structure à de nouvelles lois fiscales, en France ou à l’international ?
  • Quelles opportunités de financement ou d’alliances ce choix nous ouvre (ou nous ferme) ?
  • Des investisseurs pourraient-ils se détourner à cause d’une fiscalité perçue comme trop “agressive” ou, à l’inverse, juger que nous n’exploitons pas assez nos leviers ?

En répondant à ces quelques et non exhaustives interrogations, les dirigeants pourront définir une ligne de conduite plus claire et mieux anticiper les éventuelles difficultés.

Conclusion : fiscalité et création de valeur, un tandem stratégique

La fiscalité n’est ni un frein, ni un élément secondaire : c’est un levier qui, bien manié, peut soutenir l’essor d’une scale-up, lui permettre d’investir dans son innovation et renforcer son image de marque. À l’inverse, une approche trop unilatérale (hyper-optimisation ou focalisation exclusive sur la valeur) risque de créer des déséquilibres, qu’ils soient financiers, réputationnels ou humains.
La troisième voie consiste à élaborer une stratégie fiscale et capitalistique en phase avec la vision globale de l’entreprise, en anticipant ses besoins futurs et en tenant compte des valeurs portées par les équipes et les investisseurs. Un accompagnement juridique et fiscal, à l’instar de ce que propose un cabinet d’avocats-conseils doté d’une vision stratégique, facilite la conception de montages équilibrés, robustes et transparents.

Envie d’évaluer votre structure ?

Vous vous interrogez sur la pertinence de votre organisation fiscale ou sur le degré d’optimisation souhaitable face à vos objectifs de croissance ?
• Un diagnostic permet de faire le point sur vos actifs, vos contrats, votre gouvernance et de valider la cohérence de l’ensemble.
• Une approche pluridisciplinaire (juridique, fiscale, M&A, gouvernance) aide à construire une roadmap claire, en alignant performance économique, attractivité investisseurs et équilibre sociétal.

Sans renoncer à la performance, il est possible de structurer une fiscalité harmonieuse qui sert la création de valeur, la cohésion et l’impact de votre scale-up à plus long terme.