Les montages «coquillards» sont constitutifs d’un abus de droit

Date. 11 octobre 2013
Catégorie. Legal Strategy

Les montages «coquillards» sont constitutifs d’un abus de droit

CE 17 juillet 2013 n° 352989, 9e et 10e s.-s., Ministre du budget c/ Sarl Garnier Choiseul Holding

Constitue un abus de droit l’opération par laquelle une société acquiert des titres d’une société «liquide», bénéficie du régime mère-filles à raison des dividendes versés par cette filiale puis constitue une provision pour dépréciation des titres.

Pour juger qu’un abus de droit est caractérisé dans le cas d’un schéma consistant, pour une société, à combiner dans un délai très court l’acquisition de titres d’une société ayant liquidé ses actifs, la perception de dividendes exonérés en application du régime des sociétés mères et filiales, puis la déduction d’une provision pour dépréciation des titres, le Conseil d’Etat remonte à la finalité même du régime des sociétés mères.

Il résulte de l’ensemble des travaux préparatoires du régime fiscal des sociétés mères que le législateur a eu comme objectif de favoriser l’implication de sociétés mères dans le développement économique de sociétés filles pour les besoins de la structuration et du renforcement de l’économie française. Le fait d’acquérir des sociétés ayant cessé leur activité initiale et liquidé leurs actifs dans le but d’en récupérer les liquidités par le versement de dividendes exonérés d’impôt sur les sociétés, sans prendre aucune mesure de nature à leur permettre de reprendre et développer leur ancienne activité ou d’en trouver une nouvelle, va à l’encontre de cet objectif.

Le Conseil d’Etat se prononce pour la première fois sur les montages dits « coquillards » consistant pour une entreprise dite le « coquillard » à racheter les titres de sociétés n’ayant plus d’activité et dont les actifs sont constitués de liquidités (la « coquille ») afin de diminuer l’imposition dont elle est redevable en combinant l’application de l’exonération du régime des sociétés mères aux dividendes reçus de la coquille et la déduction d’une provision pour dépréciation des titres.

On rappelle que ce type de montage a fait l’objet de nombreuses décisions du comité consultatif pour la répression de l’abus de droit qui a conclu à l’abus de droit dans la quasi-totalité des cas.

Pour le cédant, l’intérêt d’un tel montage est d’être imposé selon le régime des plus-values de cession de titres plutôt que d’avoir à dissoudre puis liquider son entreprise et d’être soumis à l’impôt de distribution sur le boni de liquidation.

Pour les montages dits « coquillards », le présent arrêt n’a plus de portée pratique compte tenu des évolutions législatives récentes visant les montages permettant de cumuler exonération de dividendes et déduction. On citera notamment les dispositions introduites par l’article 11 de la loi 2010-1657 du 29-12-2010 et par l’article 16 de la loi 2012-958 du 16-8-2012. Le présent arrêt est néanmoins susceptible de présenter un intérêt contentieux. Il ressort en effet des conclusions du rapporteur public que de nombreux dossiers reposant sur la technique d’exonération déduction sont en instance d’appel ou de cassation, certains d’entre eux renvoyant à des configurations partiellement différentes de celle jugée en l’espèce.