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Régularisation des avoirs à l’étranger : dernières précisions
Par une circulaire ministérielle du 21 juin 2013, l’administration a fixé les atténuations applicables aux contribuables qui régularisent spontanément leurs avoirs étrangers non déclarés.
L’échange d’informations entre Etats devient la règle. La fraude fiscale est de plus en plus sanctionnée. Et la France a mis en place des conditions de régularisation spontanée qui restent avantageuses mais vont sans doute être durcies.
Au vu de ces éléments et de la pression des banquiers étrangers eux-mêmes en faveur de la régularisation, les contribuables résidents français qui détiennent des avoirs étrangers non déclarés ont sans doute intérêt à se rapprocher d’un avocat fiscaliste. Il pourra leur exposer l’importance du manquement commis vis-à-vis de la législation fiscale et leur présenter l’intérêt d’une régularisation fiscale spontanée dans le cadre fixé par la circulaire du 21 juin 2013 du ministre Bernard Cazeneuve. Attention toutefois : il faut avoir conscience que la régularisation proposée ne porte que sur l’aspect fiscal. Un seul risque pénal sera écarté par la transaction avec l’administration : l’infraction de fraude fiscale.
Le contribuable doit régler les amendes pour non-déclaration de compte ou de contrat d’assurance-vie détenu à l’étranger.
Si les avoirs sont détenus sur un compte bancaire étranger, chaque année de non-déclaration d’une « utilisation » pendant l’année précédente (non-déclaration à compter de l’année 2008 du fait des règles de prescription) fait encourir :
Ces amendes s’appliquent dès lors qu’il y a eu « utilisation » du compte : ouverture, clôture ou mouvement (une simple facturation de frais de gestion au cours d’une année pouvant caractériser une utilisation au titre de l’année). Cela vise aussi bien les titulaires que les personnes disposant d’une procuration s’ils en font usage.
Si les avoirs sont détenus sur un contrat d’assurance-vie étranger, la même amende s’applique, depuis 2012, lorsqu’une souscription, un avenant ou un remboursement n’a pas été déclaré en 2012 ou en 2013. Par contre, pour les années 2008 à 2011, l’amende prévue sanctionne les versements non déclarés : amende de 25 % ou, en démontrant l’absence de préjudice pour le Trésor, 5 % avec un plafond fixé à 1 500 €.
Le contribuable doit régler l’ensemble des impositions éludées et non prescrites (l’impôt de solidarité sur la fortune, l’impôt sur le revenu et les prélèvements sociaux, les droits de donation ou de succession), auxquelles s’ajoutent une majoration pour manquement délibéré (40 % susceptible d’être portée à 80 % dans les cas les plus graves tels que l’activité occulte) et des intérêts de retard (4,80 % par année de retard). Lorsque les avoirs sont détenus par l’intermédiaire de sociétés et/ou d’autres structures juridiques interposées (un trust, par exemple) contrôlées soumises à un régime fiscal privilégié, les revenus de capitaux mobiliers sont reconstitués selon les règles posées par l’article 123 bis du CGI.
Enfin, en cas de régularisation non spontanée, le contribuable pourrait être poursuivi pour fraude fiscale.
A tout moment, les contribuables peuvent régulariser spontanément leur situation.
La régularisation spontanée restera plus avantageuse que l’application stricte des pénalités prévues par la loi en cas de contrôle, mais si la loi est durcie, et ce sera le cas notamment après la publication de la loi de lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, la régularisation spontanée sera durcie aussi.
Les concessions prévues dans la circulaire du 21 juin 2013 par rapport à une régularisation de droit commun sont les suivantes :
Seules les amendes et la majoration sont modulées ; les impositions et intérêts de retard sont dus normalement, sous la seule réserve de la prescription. Si les agissements du contribuable ne le rendent pas éligible à la circulaire, la régularisation spontanée reste possible mais elle se fera entièrement selon les règles de droit commun.
Les dossiers de régularisation des avoirs étrangers présentent des caractéristiques communes particulières. Bercy a choisi de mettre en place un « Service de traitement des déclarations rectificatives » (STDR) spécialement chargé de traiter les demandes de régularisation répondant aux conditions posées par la circulaire du 21 juin 2013.
Ce service, est placé sous la direction de la DNVSF.
Pour plus d’efficacité, le STDR demande à recevoir des dossiers absolument complets (accompagnés du versement correspondant à l’ISF et, le cas échéant, aux droits de mutation à titre gratuit). C’est à la date de ce dépôt complet que le cours des intérêts de retard sera arrêté et que le dossier sera traité par le STDR.
Le dépôt d’un dossier complet nécessite les documents fiscaux suivants :
Les déclarations 2778 et 2778-DIV des intérêts et dividendes perçus hors de France et soumis au prélèvement forfaitaire libératoire depuis le 1erjanvier 2013 n’ont pas à être souscrites puisque les revenus correspondants seront portés dans les déclarations rectificatives.
L’intégralité des relevés débits/crédits n’a pas à être produite (sauf si le STDR a une suspicion d’anomalie), compte tenu des difficultés pour les obtenir, mais il faut au moins fournir un courrier de la banque attestant :
Pour permettre et pour sécuriser la transaction avec l’administration, le candidat à la régularisation doit attester que son dossier est sincère et l’amène à dévoiler l’intégralité des avoirs non déclarés qu’il détient et l’ensemble des comptes non déclarés qu’il utilise à l’étranger.
Les explications sur la provenance des avoirs sont indispensables : si le décès est ancien et que tous les héritiers se présentent en expliquant qu’ils veulent régulariser leur part du compte du défunt, le STDR approuvera la démarche ; si des explications sont données sur l’histoire familiale (avoirs transférés à la suite de la décolonisation, indemnité perçue à la suite de la Seconde Guerre mondiale…), celles-ci seront considérées avec intérêt par le STDR. Les explications circonstanciées sont un bon appui en l’absence de documents suffisamment probants, mais il faut toutefois s’efforcer de rassembler :
Lorsque différentes personnes ont un intérêt commun à régulariser, typiquement pour les avoirs non déclarés se rapportant à une succession, le STDR appréciera, s’il n’est pas possible de grouper les dépôts, d’en être informé. S’il constate lui-même que toutes les personnes ayant un intérêt à régulariser ne se sont pas présentées, il mettra quoi qu’il en soit les dossiers en attente.
L’obtention des attestations bancaires nécessaires au dépôt d’un dossier complet prend du temps. Les contribuables qui souhaitent s’assurer du bénéfice des atténuations prévues par la circulaire peuvent donc déposer une lettre de saisine mentionnant l’identité (nom du contribuable et coordonnées complètes), le nom de la banque ou de la compagnie d’assurance et l’indication explicite des comptes à régulariser. Le STDR accepte cette démarche (il faudra conserver l’accusé de réception), mais il faudra ensuite déposer un dossier absolument complet pour arrêter le cours des intérêts de retard. Et le STDR demande qu’aucun autre document ne lui soit envoyé avant le dossier complet, pour garantir l’efficacité de l’examen.
Les retraits « importants » (c’est-à-dire ceux dont l’importance se justifierait difficilement par le financement du « train de vie ») doivent être expliqués. Le STDR exige aussi l’explication des virements sortants non explicites. Il semble que l’administration puisse aller jusqu’à refuser la régularisation aux conditions de la circulaire si elle suspecte l’existence de dons manuels, ou bien des compensations entre titulaires de comptes, ou d’autres opérations « inappropriées ». Sauf circonstances particulières (appréciées par le STDR), la compensation (alimentation d’un compte étranger par le virement d’un autre compte suivi d’un retrait de cash) n’est, sauf explications convaincantes de la part du contribuable, pas régularisable aux conditions de la circulaire. La régularisation fiscale sous les conditions de droit commun (sans atténuation) auprès d’un service de contrôle de la DNVSF reste envisageable mais, il faut le rappeler, avec un risque pénal (infraction de blanchiment, notamment).
Les dépôts doivent être expliqués par les contribuables. Les contribuables disposant seulement d’avoirs provenant d’activités déclarées ou d’activités occultes exercées en période prescrite (avant 2003) sont traités aux conditions de la circulaire. En revanche, le STDR s’est déclaré non compétent pour régulariser des contribuables disposant d’avoirs provenant d’activités occultes en période non prescrite (2003 et années suivantes). L’activité occulte s’apprécie au regard de l’article L 169 du LPF commenté par l’administration au BOI-CF-PGR-10-70. L’activité n’est pas traitée comme occulte lorsqu’un entrepreneur ne déclare pas toutes les recettes d’une activité déclarée. Lorsqu’un contribuable a perçu une seule commission à l’étranger, cet élément aide à plaider qu’il ne s’agit pas de la rémunération d’une « activité » (occulte).
Les démarches non réellement spontanées sont également exclues des conditions posées par la circulaire. L’administration annonce vouloir réserver le sort d’une régularisation de droit commun aux contribuables qui n’ont pas dévoilé tous leurs avoirs alors qu’ils y étaient invités à l’occasion:
Les atténuations prévues par la circulaire sont plus favorables pour les « fraudeurs passifs », qui n’ont pas d’autre tort que soit de s’être abstenus de déclarer des avoirs reçus par donation ou succession, soit d’avoir généré les avoirs alors qu’ils n’avaient pas leur domicile fiscal en France. Les héritiers pourraient être traités comme fraudeurs actifs (en particulier le conjoint veuf du constituant) si le STDR pense qu’ils ont vraisemblablement eu connaissance d’une constitution d’avoirs pouvant conduire à la qualification active.
Lorsque des avoirs reçus ou constitués par un « fraudeur passif » ont été complétés par d’autres alimentations, même peu significatives, le traitement « fraudeur actif » prévu par la circulaire s’appliquera pour le tout, même si les avoirs hérités ou reçus par donation ont été isolés sur un compte différent de celui qui a reçu les autres alimentations.
Le changement de banque ou la constitution d’une structure interposée (relevant de la règle anti-abus prévue à l’article 123 bis du CGI) ne ferait pas passer de la qualification passive à la qualification active. L’administration reconnaît notamment que dans de nombreux dossiers, les contribuables n’étaient pas satisfaits de leur banque et en ont changé, ce qui semble légitime. Bien entendu, le contribuable lui-même ne doit avoir procédé à aucune alimentation externe d’une autre source. Il ne doit pas non plus avoir procédé à un retrait non motivé par le train de vie.
Le plafonnement de ces pénalités prévu par la circulaire est un plafonnement proportionnel aux avoirs détenus et non une amende fixe par compte ou contrat non déclaré. Si un compte a plusieurs titulaires, le STDR ne conteste donc pas que le plafond soit calculé au prorata de la quote-part détenue dans le compte.
Ce plafonnement de 1,5 % ou de 3 % est à comparer avec l’amende prévue par le droit commun : s’il s’agit de l’amende de 5 %, c’est favorable, mais s’il s’agit de l’amende fixe de 10 000 € ou de 1 500 €, un calcul mérite d’être fait avant de revendiquer le plafonnement car l’amende fixe s’applique à chaque non-déclarant (le STDR n’admet pas qu’elle soit répartie lorsqu’il y a plusieurs titulaires pour un même compte).
Les donations et successions non prescrites doivent être régularisées. Pour les décès intervenus avant le 1er janvier 2007, la succession est prescrite. Il en va de même pour les dons manuels rapportés à un décès intervenu avant cette date.
Pour les dons manuels consentis depuis le 31 juillet 2011, l’assiette est celle de la plus forte valeur : valeur le jour de la déclaration ou valeur le jour du don. Pour les dons consentis avant (et non prescrits du fait du décès du donateur), l’assiette est la valeur au jour de la révélation. Si des revenus ont été générés par les avoirs donnés, ils risquent donc de supporter à la fois les droits de donation, l’impôt sur le revenu et les prélèvements sociaux. Il en va différemment pour les dons manuels rapportés à une succession. Le STDR renvoie aux commentaires de l’administration au BOI-ENR-DMTG-20-10- 20-10.
Lorsque les avoirs reçus par voie de donation ou de succession génèrent un gain taxable (c’est le cas des titres de sociétés), les droits de donation ou de succession acquittés viennent augmenter le prix de revient de ces biens (et donc réduire la plus-value en cas de cession). Cette règle s’applique aux droits dus du fait de la régularisation aux conditions de la circulaire.
Si les titulaires d’un compte ont été mal désignés lors d’une succession (par rapport aux règles françaises habituelles, mais sans réelle intention libérale), l’administration devrait pouvoir admettre que les héritiers corrigent ce point. La taxation se ferait alors exclusivement selon la « bonne » répartition.
Si le seuil de détention directe ou indirecte atteint 10 % ou si le contribuable a transféré des biens ou droits à l’entité juridique, les revenus de capitaux mobiliers générés par les avoirs sont reconstitués selon les règles posées par l’article 123 bis du CGI, commenté par l’administration au BOIRPPM- RCM-10-30-20.
Cette règle ne vise pas seulement les trusts et les fondations, mais également les sociétés soumises à un régime fiscal privilégié dont les actifs sont principalement financiers. Il s’agit d’une règle anti-abus qui présente plusieurs inconvénients pour le contribuable : application potentielle d’un rendement forfaitaire minimum, augmentation de 25 % de l’assiette imposable et calcul de l’impôt sur le revenu et des contributions sans abattement.
Lorsque la structure intermédiaire n’a aucune comptabilité, cela rend difficile l’établissement de bilans a posteriori. Un bilan de départ et un résultat fiscal annuel doivent être reconstitués selon les normes françaises. Lorsqu’au titre d’une année ce résultat est nul ou déficitaire (après imputation d’éventuelles pertes reportables), l’article 123 bis n’est pas applicable.
L’administration n’appliquerait l’article 123 bis qu’à la structure la plus proche du contribuable (s’il contrôle plusieurs niveaux d’interposition).
Les résultats qui ont été imposés dans le cadre de l’article 123 bis peuvent s’imputer sur les distributions ultérieures pour en neutraliser l’imposition. Le même mécanisme peut s’appliquer sur le boni éventuellement constaté lors de la liquidation ultérieure de l’entité interposée.
A cet égard, il convient de garder à l’esprit que pour que le contribuable puisse payer les impôts dus dans le cadre de la régularisation, il est souvent tenu de procéder à une distribution ou à une liquidation dont le coût fiscal vient s’ajouter à celui de la régularisation proprement dite.