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Une SCI ayant des associés non-résidents est taxée au taux normal
CE 20 octobre 2014 n° 367234, 3e et 8e s.-s.
Il résulte de cet arrêt qu’une SCI est soumise, en matière d’impôt sur le revenu, à un prélèvement sur les plus-values de cession d’immeubles situés en France au taux de 19 %, quel que soit le lieu de résidence de ses associés (France, EEE ou Etat tiers).
La différence de taux d’imposition d’une plus-value de cession d’un immeuble situé en France par une SCI selon que les associés personnes physiques résident ou non dans l’Espace économique européen (19 % ou 33,33 %) constitue une restriction aux mouvements de capitaux.
Le prélèvement d’un tiers auquel sont soumises les plus-values immobilières réalisées par des SCI françaises ayant des associés résidents d’un Etat tiers à l’Espace économique européen est contraire à la libre circulation des capitaux. Le taux du prélèvement doit donc être aligné sur celui applicable aux SCI ayant des associés résidents d’un Etat membre de l’EEE, soit 19 % du montant de la plus-value.
Les sociétés civiles immobilières (SCI) françaises « translucides » sont soumises, en matière d’impôt sur le revenu, à un prélèvement sur les plus-values de cession occasionnelle d’immeubles situés en France dont le taux diffère selon que leurs associés personnes physiques résident ou non dans un Etat membre de l’Espace économique européen (l’EEE regroupe l’Union européenne, l’Islande, la Norvège et le Liechtenstein).
La quote-part de plus-value correspondant aux droits de l’associé résident de l’EEEest imposable au taux normal de 19 %(16 % au titre des cessions intervenues jusqu’au 31 décembre 2010), tandis que celle correspondant aux droits de l’associé résident d’un Etat tiers est imposable au taux majoré de 33,33 % (CGI art. 244 bis A). Le Conseil d’Etat apporte une réponse positive à la question inédite de savoir si cette inégalité de traitement contrevient au droit communautaire.
Depuis le 17 août 2012, les revenus fonciers et plus-values immobilières de source française perçus par des personnes physiques non résidentes sont imposables aux prélèvements sociaux, actuellement au taux de 15,5% (art. 29 de la loi 2012-958 du 16-8-2012 de finances rectificative.
Les plus-values immobilières réalisées par les SCI ayant des associés non résidents sont donc imposables au taux global de 34,5 %.
A noter que la Commission européenne a ouvert une procédure d’infraction contre la France pour non-conformité de ces dispositions avec le droit européen (procédure 2013/4168). Le Conseil d’Etat a également saisi la CJUE d’une question préjudicielle en ce sens (CE 17-07-2013 n° 334551 et 342944 ).
Ne tardez pas à former votre réclamation préalable
Les SCI ayant des associés résidents d’un Etat tiers peuvent envisager d’ores et déjà de former une réclamation contentieuse aux fins d’obtenir le remboursement partiel du prélèvement correspondant à la différence de taux. On rappelle qu’une décision juridictionnelle ayant révélé (comme en l’espèce) la non-conformité d’un texte à une règle supérieure ne constitue plus un événement de nature à rouvrir un délai de réclamation.
Par suite, seules les impositions dont le délai de réclamation est encore ouvert à la date de la décision juridictionnelle peuvent faire l’objet d’une demande en restitution.
Certains juges du fond estiment, en application de l’article R 196-1, 2e-b du LPF, que le délai dont dispose le contribuable pour former une réclamation préalable expire le 31 décembre de l’année qui suit celle au cours de laquelle le prélèvement a été opéré (CAA Paris 9-12-1997 n° 95PA03981 et TA Paris 16-10-2013 n° 1218875 et 1218924). En application de cette jurisprudence, les prélèvements opérés en 2013 devraient faire l’objet d’une réclamation au plus tard le 31 décembre 2014.
Dans le cas où le prélèvement aurait été opéré en 2012, la SCI ne serait pas entièrement dépourvue de moyens d’action, le représentant fiscal de son associé résidant dans un Etat tiers pouvant former une réclamation jusqu’au 31 décembre de la deuxième année qui suit celle du versement de l’impôt contesté (LPF art. R 196-1, 1er al.-b).
Précisons que la réclamation du représentant devrait, en outre, être engagée dans le délai de prescription de deux ans à compter du versement du prélèvement, délai qui semble devoir être décompté de date à date (LPF art. L 190 al. 3 à 5).
Par exemple, lorsque le prélèvement a été versé le 2 décembre 2012, le représentant fiscal pourrait former une réclamation jusqu’au 1er décembre 2014. A noter que l’article 29 du second projet de loi de finances rectificative pour 2014 prévoit de supprimer l’obligation, pour les contribuables résidant dans l’Union européenne, et dans certains cas dans l’EEE, de désigner un représentant fiscal en France. Mais la représentation fiscale des résidents d’un Etat tiers serait maintenue.
Quid des résidents d’un Etat tiers cédant directement un immeuble?
Le présent arrêt limite sa portée aux cessions indirectes via une SCI, sans que l’on puisse en tirer les mêmes conséquences en matière de cession directe. On rappelle que les non-résidents personnes physiques cédant directement un immeuble situé en France sont soumis à un prélèvement de 19%ou d’un tiers selon qu’ils sont résidents de l’EEE ou d’un Etat tiers (taux de 75 % s’agissant des résidents d’un ETNC). Le Conseil d’Etat a déjà eu l’occasion de juger qu’un résident de Suisse ne peut pas être soumis à un taux de prélèvement supérieur à celui prévu pour un résident fiscal de France, en vertu de l’article 15, 4 de la convention franco-suissedu 9 septembre 1966 (CE 20-11- 2013 n° 361167 : BF 2/14 inf. 188). Mais en dehors de ce cas particulier, l’invocation d’une restriction aux mouvements de capitaux par les résidents d’un Etat tiers (autre que la Suisse) cédant directement un immeuble en France conserve tout son intérêt.
Reste à savoir si l’administration peut opposer au contribuable l’application de la clause de gel. Le dispositif d’imposition des cessions directes étant applicable de manière continue depuis le 31 décembre 1993, la condition « ratione temporis » est incontestablement remplie. Se pose alors la question de savoir si cette cession immobilière constitue ou non un investissement direct au sens de l’article 64 du TFUE (condition « ratione materiae »).
Certains juges du fondont répondu positivement (CAA Versailles 7-6-2012 n° 11VE03607 : IMMO-II-192220), et d’autres négativement (CAA Paris 7-10-2011 n° 09PA04989 : IMMO-II- 189265). Or, il existe des arguments sérieux résultant de la jurisprudence récente du Conseil d’Etattendant à apporter une réponse négative à cette question. En effet, le juge de cassation a récemment jugé, s’agissant du régime d’imposition à l’impôt sur le revenu des non-résidents sur une base forfaitaire (CGI art. 164 C), qu’un investissement immobilier patrimonial (en l’espèce, l’acquisition d’une résidence secondaire) ne constitue pas un investissement direct au sens du TFUE (CE 26-12-2013 n° 360488 : IRPP-VII-14808 fv). La transposition de cette jurisprudence au cas des cessions directes par des résidents d’Etats tiers semble pouvoir conduire à une neutralisation du taux majoré dans cette hypothèse.
Voir en ce sens la chronique de E. Bokdam-Tognetti à la RJF 4/14 p. 315, ainsi que notre étude au FR 3/14 inf. 13 p. 19.
Tableau récapitulatif des différents cas permettant l’application du taux de 19 %
LA DECISION Les dispositions de l’article 244 bis A du CGI qui soumettent une SCI qui relève de l’article 8 du CGI à un prélèvement sur les plus-values de cession d’immeubles situés en France au taux de 16 % pour la part des droits détenus par des associés résidents de France, d’un Etat membre de l’Union européenne ou d’un Etat partie à l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention fiscale comportant une clause d’assistance administrative, et au taux d’un tiers pour la part des droits détenus par des associés résidents d’un pays tiers, constitue en principe une restriction aux mouvements de capitaux au sens de l’article 56 du traité instituant la Communauté européenne (actuel art. 63 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne).
L’administration ne peut pas justifier d’un gel de cette restriction au sens de l’article 57 du traité instituant la Communauté européenne (actuel art. 64 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne), dès lors que la différence de traitement en litige, qui résulte de l’article 50 de la loi de finances rectificative pour 2004, n’a pas existé en droit national de façon ininterrompue depuis le 31 décembre 1993.
Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne que pour déterminer si des contribuables se trouvent dans des situations différentes en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis, leurs situations doivent être comparées en tenant compte du critère de distinction pertinent de la disposition fiscale en cause. La cour administrative d’appel n’a donc pas commis d’erreur de droit, pour juger que l’article 244 bis A du CGI n’entre pas dans le champ d’application de l’article 58, a du traité instituant la Communauté européenne (actuel art. 65 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne) en comparant des sociétés civiles immobilières en fonction du lieu de résidence des associés.