Information des salariés en cas de cession de l’entreprise qui les emploie

Date. 24 septembre 2014
Catégorie. Legal Strategy

Est mise en place une obligation d’informer les salariés de tout projet de cession d’une PME (fonds de commerce, majorité des parts d’une SARL ou actions d’une société par actions donnant accès à la majorité) lourdement sanctionnée.

  1. Les articles 18 à 20 de la loi sur l’économie sociale et solidaire (Loi 2014-856 du 31 juillet 2014 : JO du 1er août p. 12666) mettent en place deux dispositifs d’information des salariés des petites et moyennes entreprises sur la reprise d’entreprise : l’un périodique, l’autre lorsqu’existe un projet de cession de l’entreprise.

L’entrée en vigueur de ces dispositions est subordonnée à la publication d’un décret.

  1. Information périodique
  2. Les salariés des sociétés commerciales de moins de deux cent cinquante salariés devront être informés sur les possibilités de reprise d’une société par les salariés(Loi 2014-856 art. 18).

Cette information sera organisée au moins une fois tous les trois ans et portera, en particulier, sur les conditions juridiques de la reprise d’une entreprise par les salariés, sur ses avantages et ses difficultés, ainsi que sur les dispositifs d’aide dont ils peuvent bénéficier. Le contenu et les modalités de cette information seront définis par un décret qui prendra en compte la taille des entreprises concernées.

  1. Information sur un projet de cession
  2. La loi instaure une obligation d’information des salariés lorsque la cession du fonds de commerce de leur employeur ou la cession de leur société est envisagée afin de les inciter à se porter acquéreur. A cette fin, elle insère dans le Code de commerce de nouveaux articles dans la partie consacrée à la vente du fonds de commerce (art. L 141-23 à L 141-32) et dans celle relative aux dispositions communes sur les différentes sociétés commerciales (art. L 23-10-1 à L 23-10-12).

Ces dispositions s’appliqueront aux cessions « conclues » après le 1 er novembre 2014 (art. 98 de la loi).

Champ d’application de l’obligation d’information

  1. L’obligation d’information s’imposera en cas de projet de cession (C. com. art. L 141-23, al. 1, L 141-28, al. 1, L 23-10-1, al. 1 et L 23-10-7, al. 1 nouveaux) :

– d’un fonds de commerce ;

– d’une participation représentant plus de 50 % des parts d’une SARL ;

– d’actions ou valeurs mobilières donnant accès à la majorité du capital d’une société par actions (SA, SAS ou société en commandite par actions).

La SARL ou la société par actions devra soit ne pas être tenue d’avoir un comité d’entreprise (moins de 50 salariés), soit, si elle est tenue d’en avoir un (au moins 50 salariés), occuper à la clôture du dernier exercice moins de 250 salariés et avoir un chiffre d’affaires n’excédant pas 50 millions d’euros ou un total de bilan n’excédant pas 43 millions d’euros.

Dans les sociétés par actions, il ne sera pas nécessaire que la cession concerne plus de la moitié du capital. Il suffira qu’elle confère la majorité de celui-ci. Une cession ultra minoritaire entre actionnaires pourra donc tomber sur le coup du nouveau dispositif.

Ces dispositions s’appliqueront dans les opérations intra-groupes, par exemple lorsque la société mère entendra céder à une filiale une participation de plus de 50 % du capital.

  1. L’obligation d’information sera applicable en cas de cession d’une participation dans une société soumise à une réglementation particulière prescrivant que tout ou partie de son capital soit détenu par un ou plusieurs associés ou actionnaires répondant à certaines conditions en termes notamment de qualification professionnelle (SARL d’architectes, par exemple), sous réserve soit qu’un au moins des salariés pouvant présenter l’offre d’achat remplisse les conditions requises, soit que la cession ne porte pas sur la partie du capital soumise à la réglementation et détenue par l’associé ou l’actionnaire répondant aux conditions requises (C. com. art. L 23-10-4 et L 23-10-10 nouveaux).
  2. Il ne sera pas nécessaire d’informer les salariés lorsque la cession intervient par succession ou liquidation du régime matrimonial, l’entreprise est cédée à un conjoint, à un ascendant ou à un descendant ou, enfin, l’entreprise fait l’objet d’une procédure de conciliation, de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire (C. com. art. L 141-27, L 141-32, L 23-10-6 et L 23-10-12 nouveaux).

Modalités de l’information

  1. L’exploitant du fonds de commerce ou le représentant légal de la société devra, au moins, porter à la connaissance des salariés qu’une cession est envisagée et qu’ils peuvent présenter une offre de rachat (C. com. art. L 141-23, al. 2 et 3, L 141-28, al. 2, L 23-10-1, al. 2 et L 23-10-7, al. 2 nouveaux).

Cette information pourra être effectuée par tout moyen qui sera précisé par voie réglementaire, de nature à rendre certaine la date de sa réception par les salariés (art. L 141-25, al. 1, L 141-30, al. 1, L 23-10-3, al. 1 et L 23-10-9, al. 1 nouveaux).

  1. Le moment où l’information doit être donnée diffère selon que l’entreprise compte moins de 50 salariés ou entre 50 et 250 salariés et dispose ou non de représentants du personnel.
  2. Dans les entreprises de moins de 50 salariés ou dans celles de 50 à 249 salariés non dotées de représentants du personnel et ayant établi un procès-verbal de carence, les salariés seront informés du projet de cession au moins deux mois avant la cession afin de leur permettre de présenter une offre de rachat (C. com. art. L 141-23, al. 1 à 4, L 141-28, al. 6, L 23-10-1, al. 1 à 3, et L 23-10-7, al. 5 nouveaux). Il en résulte que ceux-ci disposeront de deux mois pour formuler une offre.

Lorsque le propriétaire du fonds de commerce n’en est pas l’exploitant, l’information sera notifiée à l’exploitant et le délai de deux mois courra à compter de cette notification. L’exploitant du fonds portera alors sans délai cette notification à la connaissance des salariés en les informant qu’ils peuvent présenter au cédant une offre de rachat. Lorsque le propriétaire est exploitant, il notifiera sa volonté de céder directement aux salariés en les informant de leur possibilité de lui présenter une offre de rachat et ledit délai court à compter de cette notification.

Lorsque la cession porte sur des parts sociales ou des actions, il appartiendra au représentant légal de la société d’informer les salariés. Curieusement, la loi ne met pas à la charge de l’associé ou de l’actionnaire qui envisage de céder ses titres l’obligation d’informer le représentant légal de son projet.

La cession pourra intervenir avant l’expiration du délai de deux mois si chaque salarié a fait connaître au cédant sa décision de ne pas présenter d’offre.

  1. Dans les PME de 50 à 249 salariés ayant un comité d’entreprise ou des délégués du personnel, le cédant des titres ou du fonds de commerce devra notifier sa volonté de céder à la société ou à l’exploitant du fonds. Le chef d’entreprise ou l’exploitant portera cette notification à la connaissance des salariés, au plus tard en même temps qu’il procède à l’information et à la consultation du comité d’entreprise, en application de l’article L 2323-19 du Code du travail. Lorsque le propriétaire du fonds de commerce en est l’exploitant, il notifiera directement sa volonté de céder aux salariés (C. com. art. L 141-28, al. 1 à 3 et L 23-10-7, al. 1 et 2).
  2. La procédure d’information devra être renouvelée si la cession intervient plus de deux ans après l’expiration du délai d’information des salariés. Toutefois, pour les entreprises dotées d’un comité d’entreprise, le cours de cette période de deux ans sera suspendu si cette instance est consultée sur un projet de cession, entre la date de saisine du comité et la date où il rend son avis ou, à défaut, la date où expire le délai imparti pour rendre cet avis (C. com. art. L 141-26, L 141-31, L 23-10-5 et L 23-10-11 nouveaux).

Assistance des salariés

  1. Pour les aider dans leur décision, les salariés pourront, à leur demande, se faire assister par un représentant de la chambre de commerce et de l’industrie régionale, de la chambre régionale d’agriculture, de la chambre régionale de métiers et de l’artisanat territorialement compétentes en lien avec les chambres régionales de l’économie sociale et solidaire et par toute personne qu’ils désigneront, dans des conditions qui seront définies par décret (C. com. art. L 141-24, L 141-29, L 23-10-2 et L 23-10-8 nouveaux).

Obligation de discrétion des salariés

  1. Les salariés seront tenus à une obligation de discrétion s’agissant des informations reçues sur le projet de cession, dans les mêmes conditions que celles prévues à l’article L 2325-5 du Code du travail pour les membres des comités d’entreprise, sauf à l’égard des personnes dont le concours est nécessaire pour leur permettre de présenter au cédant une offre de rachat (C. com. art. L 141-25, al. 2, L 141-30, al. 2, L 23-10-3, al. 2 et L 23-10-9, al. 2 nouveaux). La loi ne prévoit pas de sanction particulière si un salarié manque à cette obligation. Conformément au droit commun, l’employeur pourra engager une action en responsabilité contre lui ou lui appliquer une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement.

Sanctions du défaut d’information

  1. La cession intervenue en méconnaissance de l’information du personnel pourra être annulée à la demande de tout salarié (C. com. art. L 141-23, L 141-28, L 23-10-1 et L 23-10-7 nouveaux).

L’action en nullité se prescrira par deux mois à compter, selon le cas :

– soit de la date de publication de l’avis de cession du fonds de commerce ;

– soit de la date de la publication de la cession des titres ou de la date à laquelle tous les salariés en auront été informés.