La chronologie des opérations de donation-cession de titres en question

Date. 17 décembre 2014
Catégorie. Newsletters

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La chronologie des opérations de donation-cession de titres en question

CE 19 novembre 2014 n° 370564, 8e et 3e s.-s.

Lorsqu’une donation de titres a été faite antérieurement à leur cession par les donataires, l’administration ne peut pas se fonder sur un faisceau d’indices pour soutenir que le fait générateur de l’imposition de la plus-value est en réalité antérieur à la donation.

L’avantage fiscal tiré d’une donation avant cession de titres, qui consiste pour les contribuables à donner des titres à des proches (généralement les enfants) avant leur cession à bref délai par les donataires pour leur valeur au jour de la donation, est désormais bien identifié. Pour le calcul de la plus-value, le prix de revient des titres est leur valeur au jour de la donation (CGI art. 150-0 D, 1). La donation avant cession de titres permet ainsi de « purger » la plus-value et d’éluder le paiement de l’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux. Les donataires acquittent les droits de donation, la base taxable étant réduite des abattements applicables.

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La date du transfert de propriété des titres ne peut pas résulter d’un faisceau d’indices

En l’espèce, les contribuables avaient procédé à une donation-partage des titres d’une société opérationnelle à leurs enfants, avant leur vente le lendemain à des tiers. La cession n’avait pas fait l’objet d’un acte authentique, mais elle avait donné lieu au paiement des titres, ainsi qu’à une inscription sur le registre de la société émettrice. L’administration n’ayant pas pu prendre connaissance de la convention de cession de ces actions, elle avait cru déduire des stipulations du contrat de prêt souscrit par l’acquéreur (et notamment de la caution accordée par sa société mère plusieurs jours avant la donation) une commune intention des parties de procéder à la vente avant la donation.

Elle avait fondé son analyse sur le principe civiliste posé à l’article 1583 du Code civil, selon lequel le transfert de propriété de titres d’une société a lieu, sauf stipulations contractuelles contraires des parties, à la date où un accord intervient sur la chose et le prix (CE 23-12-2011 n° 324620).

Sans remettre en cause ce principe, le Conseil d’Etat estime, cependant, que cet accord ne peut pas résulter d’un simple faisceau d’indices. La Haute Juridiction casse, par conséquent, l’arrêt de la cour pour erreur de droit, et lui renvoie l’affaire.

Il en résulte que seul un acte ou un événement juridique intervenu avant la donation (comme par exemple une promesse synallagmatique de vente, ou une promesse unilatérale de vente ayant fait l’objet d’une levée de l’option) serait de nature à remettre en cause la chronologie des opérations. Même si l’on ne peut pas préjuger de la solution qui sera rendue par la cour, l’absence d’une telle preuve semble bien confirmer une antériorité de la donation par rapport à la cession, conformément aux mentions du registre de la société cédée.

La date de la donation, qui résultait d’un acte authentique, était en l’espèce incontestable.

En revanche, lorsque la donation est réalisée sous la forme d’un don manuel, elle n’est opposable à l’administration qu’à compter de son enregistrement (C. civ. art. 1328).

L’administration est en droit de remettre en cause la chronologie d’une opération de donation-cession de titres lorsque le don manuel a été passé avant la cession mais enregistré postérieurement.

Précisons que, dans le cas particulier d’une promesse de vente comportant une condition suspensive, c’est à la date de réalisation de cette condition qu’il convient de se placer pour déterminer le fait générateur d’imposition de la plus-value (CE 11-4-1973).

A défaut de toute manifestation expresse antérieure, c’est le paiement du prix qui révèle l’existence d’un accord avec l’acquéreur et vaut levée de cette condition. L’administration ne peut donc pas remettre en cause la chronologie des opérations lorsque la promesse de vente sous condition suspensive de réalisation d’un audit des comptes de la société est antérieure à la donation mais que le paiement du prix est postérieur (CE 28-5-2014 n° 359911).

Une portée désormais limitée aux seules cessions de parts sociales

Le Conseil d’Etat statue sous l’empire des dispositions antérieures à l’entrée en vigueur de l’ordonnance 2004-604 du 24 juin 2004. Cette ordonnance a étendu aux actions des sociétés non cotées la règle applicable aux actions cotées selon laquelle le transfert de propriété résulte, non pas de l’accord des parties sur la chose et sur le prix, mais de l’inscription des valeurs mobilières au compte de l’acheteur (C. com. art. L 228-1).

En pratique, ces nouvelles dispositions, dont l’application est moins sujette à discussion, devraient probablement tarir le contentieux lié à la contestation de la chronologie des opérations de donation-cession d’actions cotées ou non cotées. L’arrêt conserve, en revanche, tout son intérêt lorsque l’administration remet en cause la date de transfert de propriété de parts sociales, ce transfert restant soumis aux règles de droit commun de la vente prévues à l’articleE1583 du Code civil.

La décision

Lorsqu’une donation-partage de titres a été faite par acte authentique antérieurement à la cession des titres par les donataires, l’administration ne peut pas se fonder sur un faisceau d’indices pour considérer que la cession, et donc la date du fait générateur de l’imposition de la plus-value sur cession de titres, est en réalité antérieure à la donation.

L’abattement dirigeant ne bénéficie qu’à l’ancien dirigeant et non à son conjoint

CE 10 décembre 2014 n° 371437

Lorsque les titres sont cédés par un couple, le bénéfice de l’abattement pour durée de détention applicable aux dirigeants cédant leur société lors de leur départ en retraite est réservé au seul époux qui était dirigeant de la société.

Les plus-values réalisées par les dirigeants qui cèdent leur société à l’occasion de leur départ en retraite sont, sous certaines conditions, réduites d’un abattement spécifique pour durée de détention (CGI art. 150-0 D ter).

Le Conseil d’Etat juge que, parmi ces conditions, celles relatives à la personne du cédant s’apprécient nécessairement, dans le cas d’un couple marié, au niveau de chaque conjoint pris isolément. Ainsi en est-il de la condition relative à l’exercice de fonctions de direction au sein de la société cédée, alors même que le législateur a prévu que celle relative à la détention d’une participation de 25 % s’apprécie au niveau du groupe familial. Sont sans incidence tant la règle de l’imposition commune des personnes mariées que les règles civiles applicables dans le cadre du régime de la communauté légale.

 Par suite, seules les actions cédées par l’époux qui était dirigeant de la société sont éligibles à l’abattement pour durée de détention à l’exclusion de celles qui sont cédées par son conjoint qui n’exerçait aucune fonction dirigeante.

RAPPEL URGENT

Le Conseil constitutionnel invalide la rétroactivité de la contribution sur les hauts revenus Cons. const. 5 décembre 2014 n° 2014-435 QPC

Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité par le Conseil d’Etat, le Conseil constitutionnel vient de préciser que la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, entrée en vigueur à compter de l’imposition des revenus de 2011, ne peut pas s’appliquer à des revenus de capitaux mobiliers de 2011 soumis aux prélèvements libératoires de l’impôt sur le revenu (CGI art. 117 quater et 125 A, I).

Le Conseil constitutionnel censure donc la rétroactivité de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus mise en place par l’article 2 de la loi 2011-1977 du 28 décembre 2011. Il relève que les contribuables qui ont supporté en 2011 des prélèvements libératoires sur des revenus de capitaux mobiliers pouvaient légitimement s’attendre à être libérés de l’impôt au titre de ces revenus, et qu’en appliquant la contribution aux revenus ayant fait l’objet de ces prélèvements le législateur a remis en cause leur effet libératoire.

Les contribuables qui ont acquitté, en plus des prélèvements libératoires sur des revenus de capitaux mobiliers de 2011, la contribution sur ces mêmes revenus mise en recouvrement en 2012 ont jusqu’au 31 décembre 2014 pour en demander la restitution par voie de réclamation contentieuse (LPF art. R 196-1).